Étiquette : morale

Aristote et l’âme

Les plantes, les animaux non-humains et les hommes partagent une propriété étonnante : ils croissent d’eux-mêmes, se multiplient, se meuvent même parfois, et tout cela sans qu’on les y force. C’est en eux qu’ils recèlent cette puissance mystérieuse qui fait la vie, ce souffle qui anime, ou pour parler comme les anciens, cette âme1. Pour comprendre la vie, il s’avère essentiel de clarifier ce qu’est cette âme, une tâche à laquelle s’attelle Aristote dans son traité De l’Âme. Il y livre cette définition fort cryptique, que notre propos aura pour vocation d’éclairer : l’âme est « l’entéléchie [entelekheia, ἐντελέχεια] première d’un corps naturel organisé » (DA, 412b5). Notre incursion dans la pensée du Stagirite2 montrera en quoi elle conserve, malgré la distance temporelle qui nous en sépare, une certaine actualité.

  1. « Âme » provient du latin « anima », le souffle ; « esprit » provient du latin « spiritus », qui réfère aussi au souffle. []
  2. Aristote est né à Stagire, ce qui lui vaut cette désignation. []

L’immoralisme de Kant

« Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ? »

Paul Valéry, La crise de l’esprit, première lettre

La morale de Kant est un fétichisme de l’intention : la volonté y est bonne indépendamment de sa réalisation ou de sa frustration. L’action est belle quels que soient ses réussites ou ses échecs. « Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n’est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but proposé, c’est seulement le vouloir »1. Mieux vaut donc agir fidèlement à la loi morale, même si l’action s’abîme sans cesse, car c’est l’acte qui est bon et non ses conséquences : quand bien même tous nos efforts seraient déçus, explique Kant, « [la bonne volonté] n’en brillerait pas moins, ainsi qu’un joyau, de son éclat à elle, comme quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière ». On a souvent reproché au philosophe de Königsberg cette théorie qui se contente de la pureté de l’intention aux dépens de l’efficacité, un trait que Péguy a probablement porté mieux que quiconque : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »

  1. Cette citation et la suivante proviennent de la première section des Fondements de la métaphysique des mœurs. []

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