À la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ, le Moyen-Orient est dominé par l’empire néo-babylonien de Nabuchodonosor II. Le petit royaume de Juda, dernière demeure des Juifs depuis la mise à sac de Samarie en 722, n’échappe pas à cette influence, malgré qu’il en ait. À plusieurs reprises, il va tenter de profiter des circonstances pour se soulever. Une première tentative sera matée en 597, conduisant à la déportation à Babylone d’une dizaine de milliers de Juifs. Une seconde conduira, en 586, à la destruction de Jérusalem et à la déportation de ceux qui étaient restés. Le peuple hébreu n’a plus de terre. Non seulement est-il déraciné de ses temples, de ses maisons et de ses paysages, mais encore doit-il supporter l’idée que ces lieux qu’il chérissait ont été dévastés par l’occupant. Cet exil spatial autant que spirituel durera jusqu’à la prise de Babylone par les Perses, en 538. Loin de leur « suolo natal » (sol natal), « del Giordano le rive » (des rives du Jourdain), « di Sionne le torri atterrate » (des tours abattues de Sion), les Juifs sont en proie à une tristesse infinie, ressassant sans cesse ce « membranza sì cara e fatal » (souvenir si cher et funeste)1. Constituant probablement l’un des premiers témoignages de la douleur du déracinement qui soit parvenu jusqu’à nous, le Psaume 137 capture en peu de mots la beauté de cette mélancolie si particulière : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion »2.

  1. Les citations proviennent du célébrissime chœur des esclaves hébreux, que l’on peut entendre au 3e acte du Nabucco de Verdi. []
  2. Ps 137.1-3 (la Bible sera citée dans la traduction de Jérusalem). []