Nostalgie et saudade : les temporalités de la tristesse

À la fin du VIIe siècle avant Jésus-Christ, le Moyen-Orient est dominé par l’empire néo-babylonien de Nabuchodonosor II. Le petit royaume de Juda, dernière demeure des Juifs depuis la mise à sac de Samarie en 722, n’échappe pas à cette influence, malgré qu’il en ait. À plusieurs reprises, il va tenter de profiter des circonstances pour se soulever. Une première tentative sera matée en 597, conduisant à la déportation à Babylone d’une dizaine de milliers de Juifs. Une seconde conduira, en 586, à la destruction de Jérusalem et à la déportation de ceux qui étaient restés. Le peuple hébreu n’a plus de terre. Non seulement est-il déraciné de ses temples, de ses maisons et de ses paysages, mais encore doit-il supporter l’idée que ces lieux qu’il chérissait ont été dévastés par l’occupant. Cet exil spatial autant que spirituel durera jusqu’à la prise de Babylone par les Perses, en 538. Loin de leur « suolo natal » (sol natal), « del Giordano le rive » (des rives du Jourdain), « di Sionne le torri atterrate » (des tours abattues de Sion), les Juifs sont en proie à une tristesse infinie, ressassant sans cesse ce « membranza sì cara e fatal » (souvenir si cher et funeste)1. Constituant probablement l’un des premiers témoignages de la douleur du déracinement qui soit parvenu jusqu’à nous, le Psaume 137 capture en peu de mots la beauté de cette mélancolie si particulière : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion »2.

Cette douleur n’avait pas encore de nom ; elle n’était, d’abord, qu’une tristesse. Les médecins de l’antiquité ont rapidement lié la tristesse à un excès de bile noire3. Pour l’école hippocratique comme pour Galien, la santé du corps résulte de l’équilibre en son sein de quatre fluides, quatre « humeurs » : le sang, la bile jaune, la pituite et la bile (χολή, kholé) noire (μέλας, mélas). Lorsque cette mélancolie est en excès, elle produit l’apathie, les pleurs, la dépression, mais aussi des crises convulsives, des hallucinations et des manies. La mélancolie est donc à la fois le nom qu’on donne à la cause et à la conséquence ; à l’humeur et à l’émotion que provoquerait l’excès de cette humeur. Pour en sortir, il suffit de rétablir l’équilibre : à l’instar des saignées qui perdureront jusqu’au XIXe siècle, destinées à évacuer le trop-plein de sang, il faudra « purger » l’atrabile excédentaire. C’était notamment le rôle dévolu à l’hellébore. La décoction de cette plante était réputée provoquer l’excrétion de la bile noire : l’hellébore produit diarrhées et vomissements et irrite les muqueuses, pouvant entraîner des selles noires ou hémorragiques. La tristesse était avant tout considérée comme un déséquilibre physiologique, appelant des thérapeutiques somatiques, même si des amorces de psychothérapies peuvent être décelées comme chez Celse.

Ce n’est qu’au XVIIe siècle que la douleur du déracinement a été particularisée au sein du grand empire de la tristesse. Les mercenaires suisses envoyés guerroyer loin de leurs montagnes ressentaient des souffrances analogues à celles des Juifs déracinés de l’antique Jérusalem, chagrins parfois mortels qu’il convenait de prendre au sérieux. Ce mal du pays, cette Heimweh, devint donc l’objet d’une enquête médicale. Dans la thèse qu’il soutient à Bâle en 1688, le médecin mulhousien Johannes Hofer baptise cette étrange souffrance morale du nom de nostalgie, un mot qu’il forge à partir du grec νόστος (nóstos), le retour, et ἄλγος (álgos), la douleur. Pour Hofer, la nostalgie « naît d’un dérèglement de l’imagination » qui ne se focalise plus que sur « une seule et même idée, le désir du retour dans la patrie »4. Comme Du Bellay, les soldats suisses et, plus tard, les provinciaux absorbés par les villes durant l’exode rural, se demandent quand ils reverront fumer la cheminée de leur petit village5.

Nul n’est vraiment capable d’expliquer les causes profondes de ce mal qui ronge l’exilé. Dans sa thèse, Hofer privilégie l’hypothèse morale, y voyant les conséquences d’un arrachement affectif. Jean-Jacques Scheuchzer, au début du XVIIIe siècle, décèlera plutôt un mécanisme organique : les Suisses, défend-il, vivent dans les montagnes et ont l’habitude de respirer un air plus subtil ; ils sont comme écrasés par la pression lorsqu’ils gagnent les plaines, une pression qui altère leur état et, finalement, leur esprit. Quelles qu’en soient les raisons, la nostalgie recèle dans son nom-même la conduite à tenir : revenir. Pour soigner ces mercenaires désabusés, il suffit de les renvoyer dans leur foyer, auprès des leurs – ou au moins de leur faire miroiter un retour prochain. Qu’il permette de renouer des liens rompus avec ses proches, les paysages environnants, les habitudes locales, ou de retrouver cet air pur qui faisait défaut dans les plaines, revenir fera son office. Du moins, le pensons-nous.

Hélas, l’histoire est riche en retours humiliés. Du Bellay lui-même confesse sa déception au sonnet 130 des Regrets6. Dans son Anthropologie d’un point de vue pragmatique parue en 1798, Kant note incidemment que les nostalgiques, lorsqu’ils regagnent leur contrée, « sont très déçus dans leur attente », et pour cause : « sans doute pensent-ils que tout s’est transformé ; mais, en fait, c’est qu’ils n’ont pu y ramener leur jeunesse ». Il sera le premier, sans doute, à lier la temporalité de l’existence au sentiment de la nostalgie, un thème que développera largement Vladimir Jankélévitch dans L’irréversible et la nostalgie. Jankélévitch se plaît à imaginer une suite à l’Odyssée et tente de cerner la psychologie d’Ulysse après qu’il a retrouvé Ithaque et Pénélope. Il écrit « le vingt-cinquième chant de l’Odyssée – celui qui n’existe pas »7, dépeignant un Ulysse inquiet, absent, qui ressasse son périple. Il irait même jusqu’à éprouver une nostalgie de son voyage et de ses aventures – curieux paradoxe ! « Le lendemain même du retour la déception a supplanté la nostalgie. »8

Le retour déçu découvre la nature véritable de la nostalgie. Nostalgie et amour sont des passions cousines : l’une et l’autre, elles s’attachent à l’objet non pour ce qu’il est mais pour ce qu’il représente. Comme le remarque Jankélévitch, « le nostalgique aime son petit village comme la mère aime son enfant ; et la mère aime son enfant non parce que cet enfant est remarquablement beau, mais parce que cet enfant est le sien »9. Dans les deux cas, la chaîne des raisons est inversée : c’est l’amour qui pare l’aimé de ses qualités, et non ses qualités qui provoquent l’amour. Dans la nostalgie du village natal, c’est donc moins le nom – village – qui importe, que l’adjectif – natal. Si l’obsession s’attache au petit bout de terre où nous avons grandi, éprouvé nos premières joies et nos premières peines, c’est justement parce que nous y avons une histoire, un passé. Et si n’importe quel bout de terre, pourvu qu’il soit natal, suffit à nourrir ce chagrin des départs, c’est bien parce que le chagrin s’attache en réalité à ce passé lui-même et au souvenir de notre enfance. Kant était clairvoyant dès 1798 : l’objet authentique de la nostalgie, c’est le temps perdu et la jeunesse évanouie – le lieu n’est qu’un prétexte.

Mais alors la nostalgie revêt un sens nouveau. Quand Hofer forge ce mot en 1688, il veut parler d’une douleur que le retour guérit, et il s’avère en fait que le retour lui-même redouble la douleur. La nostalgie n’est pas résoluble car, à l’inverse de l’espace, le temps n’est pas réversible. On peut revenir sur ses pas, comme Ulysse regagne Ithaque, mais on ne peut revenir au moment où nous étions partis. Pire ; le chemin du retour rallonge la durée de l’exil, et lorsque je regagne enfin « le clos de ma pauvre maison », je me sens « en étrange pays dans mon pays lui-même »10. Ce déphasage n’est pas tant un déphasage avec le lieu, qui aurait continué d’exister sans moi et serait devenu différent en mon absence, qu’un déphasage avec moi-même : le lieu me confronte à mon propre devenir, et me rappelle insidieusement que je ne suis plus l’enfant qui parcourait ces prairies ou se lovait, le soir, dans les bras de sa mère. En un mouvement, la nostalgie s’éclaire et se radicalise : la nostalgie, c’est la prise de conscience d’une existence temporelle qui se dirige inlassablement vers sa fin. « Le véritable objet de la nostalgie n’est pas l’absence par opposition à la présence, mais le passé par rapport au présent ; le vrai remède à la nostalgie n’est pas le retour en arrière dans l’espace, mais la rétrogradation vers le passé dans le temps. »11 Mais cette rétrogradation est par nature impossible : l’homme existe dans le temps, ou plus exactement, exister c’est être temporalisé, et ce temps est essentiellement irréversible. À la limite, donc, la nostalgie est ce deuil qui accompagne la prise de conscience de la condition humaine.

S’il est vrai que la nostalgie recèle le lieu de sa guérison, ce lieu est cependant métaphorique : il n’est, comme le royaume du Christ, pas de ce monde12. Ce que souhaite le nostalgique, lorsqu’il ne se ment pas à lui-même, c’est ni plus ni moins que l’abolition du temps. Toute nostalgie est une eschatologie. Elle ne peut se guérir définitivement qu’en quittant la sphère de l’existence humaine, en revenant au-delà de la vie à cet Éden idyllique qu’il n’aurait jamais fallu quitter. C’est un pari risqué dont l’espérance n’est, en définitive, pas positive avec évidence. On résiste alors à la nostalgie, plutôt qu’on ne la vainc, en se consolant par l’espérance. Une toute autre attitude pourrait consister cependant à l’accepter. Accepter la nostalgie, cela signifie d’un même mouvement assumer l’irréversibilité du temps et sa condition humaine. Voir, dans ce qui devait de prime abord exciter la mélancolie et démoraliser, l’opportunité de bâtir un avenir désirable. Par bien des égards, ce mouvement n’est rien d’autre qu’une sécularisation de l’espérance eschatologique : au lieu d’abolir le temps, il ouvre un commerce fertile avec ses chagrins. La temporalité qui blesse n’est en effet pas dissociable de la temporalité qui permet. L’irréversible est en même temps ce qui nous vole nos joies d’enfant et la condition de possibilité de ces joies elles-mêmes. Précisément parce qu’il passe, le temps nous ouvre un espace de liberté, qui s’appelle le futur : exister n’est rien d’autre que se projeter dans ce futur. La nostalgie, lorsqu’elle est une souffrance, consiste donc en une focalisation pathologique sur une seule des deux facettes de l’irréversibilité, celle de la perte, au mépris des possibles qu’ouvre l’idée même de futur. Il s’agit d’une appréhension partielle du temps, qui surévalue la perte, le passé et le deuil, au détriment de l’énergie créatrice de la vie.

Que les paradis perdus suscitent notre chagrin, cela ne fait guère de doute, et cela se comprend. Une chose est de s’y résigner, une autre est d’embrasser le fait du temps dans sa totalité. Les Portugais aussi connaissent la mélancolie du manque. Ils l’appellent saudade. Cette saudade ne recouvre cependant pas la nostalgie, loin s’en faut. Si elle désigne certes un état de tristesse et de manque, un désir d’ailleurs qui la rapproche de notre nostalgie, elle est en même temps empreinte d’une forme de joie qui peut paraître paradoxale. Larousse parle même de « délicieuse nostalgie ». En réalité, ce mot a connu un destin complexe, que l’arrivée en terres brésiliennes n’aura pas simplifié. Chaque petit coin de lusophonie détient « sa » saudade, et partout les lusophones se moquent de ceux qui tenteraient de rendre ce sentiment si particulier dans d’autres langues que la leur. Toutefois, une chose est sûre : dans cette pluralité, la focalisation obsessionnelle sur le passé et la perte propre à la nostalgie s’efface. Amália Rodrigues, la reine du fado, dira de la saudade qu’elle est « une épine amère et douce »13. En peu de mots, tout est dit. La saudade embrasse la nostalgie et la supplante : comme elle, elle est amère, car l’irréversible entraîne irrémédiablement le chagrin des temps perdus ; mais au-delà d’elle, elle demeure douce, car elle manifeste la temporalité qui permet de construire les bonheurs à venir.

On raconte que les explorateurs portugais ont longtemps craint de s’aventurer trop loin en mer, de peur de ne pouvoir revenir. Équipés de voiles carrées qui les rendaient difficilement manœuvrables, les navires qui cabotaient dans l’Atlantique ne pouvait guère aller que de l’avant. Tétanisés par l’impossibilité de regagner leurs côtes après un long périple, les aventuriers contemplaient le vaste océan avec une curiosité teintée d’effroi. Les choses ont changé lorsque les Portugais inventèrent la caravelle. Conçue sous la houlette de Henri le Navigateur, elle importe dans l’Atlantique la voile latine de la Méditerranée et offre enfin aux explorateurs la possibilité, en louvoyant, de regagner aisément leur port, même face au vent. Ainsi guéris de la peur de ne pas revenir, les marins ont pu s’aventurer au bout du vaste océan. « C’est grâce à la marche arrière, note Gilles Lapouge dans son Dictionnaire amoureux du Brésil, que l’on peut aller de l’avant et cingler vers les bouts du monde. »14 Comme le remarque Lapouge, caravelle et saudade, ces deux émanations du génie lusitanien, opèrent ainsi selon un schéma semblable : l’une comme l’autre découvrent dans le retour la force d’approcher un nouvel horizon.

Si la saudade et la nostalgie sont toutes deux des douleurs du manque, de ce qui a été, leur attitude sur ce manque diffère fondamentalement. Pour le nostalgique, le passé ne sera jamais plus, et le retour en fait ne guérit jamais le mal, car le lieu n’est qu’un prétexte à l’irréversible. Alors la tristesse devient accablante et éteint toute vitalité. La nostalgie n’est qu’un autre nom pour le refus de vivre ; pour détourner un mot de Nietzsche, elle laisse « les morts enterrer les vivants » en les enfermant dans leur passé15. La saudade, au contraire, trouve dans sa détresse une forme d’espérance lucide. Elle fait son deuil des instants révolus en acceptant l’idée que le temps passe. Dans cette acceptation de la temporalité, qui n’est rien d’autre qu’une acceptation de la condition humaine, elle trouve sa force : le futur ouvre l’horizon des possibles, comme la caravelle. Accueillir la mélancolie de ce qui a été nous autorise à déceler, dans l’avenir, la joie de ce qui sera ; à découvrir ce Brésil qui consolera un peu de la Lusitanie perdue. La saudade ressemble à la nostalgie « comme le loup au chien »16 : leur gémellité n’est qu’apparente car au fond, elles diffèrent du tout au tout. À biens des égards, la saudade est le remède à la tristesse, comme l’action guérit de la mélancolie.

  1. Les citations proviennent du célébrissime chœur des esclaves hébreux, que l’on peut entendre au 3e acte du Nabucco de Verdi. []
  2. Ps 137.1-3 (la Bible sera citée dans la traduction de Jérusalem). []
  3. Les propos suivants s’inspirent de la thèse de Jean Starobinski : « Histoire du traitement de la mélancolie », in Jean Starobinski, L’Encre de la mélancolie, Paris : Seuil, 2012, p. 13-158. []
  4. Johannes Hofer, Dissertatio medica de nostalgia oder Heimwehe, Bâle, 1688, cité dans : Jean Starobinski, op. cit. []
  5. Joachim Du Bellay, Les Regrets, sonnet 31 :
    « Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
    Fumer la cheminée, et en quelle saison
    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m’est une province, et beaucoup davantage ? » []
  6. J. Du Bellay, Les Regrets, sonnet 130 :
    « Et je pensais aussi ce que pensait Ulysse,
    Qu’il n’était rien plus doux que voir encore un jour
    Fumer sa cheminée, et après long séjour
    Se retrouver au sein de sa terre nourrice.
    […]
    Las, mais après l’ennui de si longue saison,
    Mille soucis mordants je trouve en ma maison,
    Qui me rongent le cœur sans espoir d’allégeance. []
  7. Vladimir Jankélévitch, L’irréversible et la nostalgie, Paris : Flammarion, 1974, p. 358. []
  8. Ibid., p. 360. []
  9. Ibid., p. 352 []
  10. C’est le titre d’un recueil de Louis Aragon. []
  11. Jankélévitch, op. cit., p. 368. []
  12. Jn 18.36. []
  13. Cité dans : Gilles Lapouge, Dictionnaire amoureux du Brésil, Paris : Plon, 2011, p. 612. []
  14. Gilles Lapouge, op. cit., p. 622-623. []
  15. Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles, II. []
  16. Platon utilise cette analogie pour comparer le sophiste au philosophe dans : Platon, Le Sophiste, 231a. []

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  1. Isabel Sá

    Comme disait Amalia Rodrigues A saudade et aussi la nostalgie « C’est une epine douce et amère » . On revient à son pays on repart on est pas toujours désiré on est étranger de partout et se ressent un apatride avec sa nostalgie tristesse et ce mot SAUDADE . La jeunesse passée famille ďécédée la solitude « notre vieille amie notre parce que non rejetée elle est toujours présente le Portugal c’est du passé personne ne m’attendait pas au pire on est indesiré. Isabel Sá

  2. Isabel Sá

    Ce jour 24 août 2022 date anniversaire du décès de ma mère à l’âge de 39 ans. En ce mois d’août de 1954, le 6 c’est c’était mon anniversaire le 8 même mois c’était celui de ma mère le 24 août ma maman mourrait. Orpheline de maman la grande tristesse nostalgie saudade et solitude ne m’ont jamais abandonnée. Étrangère dans mon propre pays aussi dans celui où j’ai voulu essayer d’oublier cette triste mélancolie toujours présente. Enfant j’ai senti dans la tête tant de sentiments controversés et femme célibataire aujourd’hui jamais mariée je ressens toujours ce vide dans mon cœur pourtant je peux être une femme joviale voire enjouée mais par à coups. La solitude, saudade, nostalgie, tristesse, ces sentiments de manque peuvent à mon humble avis tuer. La Foi c’est l’espérance de s’y attacher pour nous aider à poursuivre notre chemin.

  3. Isabel Sá

    Corriger mon petit exposé pas eu la présence d’esprit pour le faire. Merci beaucoup. Isabel Sa

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