Au chapitre XXV du Prince, Machiavel compare la fortune à un fleuve furieux dont les crues sont irrésistibles. Mais, ajoute-t-il, on peut bâtir des digues et des remparts pour en prévenir les effets destructeurs. C’est tout l’objet de la théorie statistique : canaliser l’impétuosité d’une réalité qui échappera toujours, obstinément, aux lois dans lesquelles on aimerait l’enfermer. Comprendre, au-delà des calamités, les règles de l’incertain pour rendre ce monde un peu plus hospitalier. Quitter les certitudes rassurantes mais illusoires pour penser, en un mot, en termes de probabilités.

Il existe deux interprétations concurrentes – et complémentaires – des probabilités : l’une, dite « fréquentiste », soutient que la probabilité d’un événement est la fréquence d’apparition de cet événement lors d’un grand nombre d’expériences ; l’autre, dite « bayésienne », considère que la probabilité exprime un degré de certitude sur l’apparition de cet événement. Prenons le lancer d’un dé à six faces parfaitement équilibré : la probabilité d’obtenir un cinq est alors d’un sixième. Pour le fréquentiste, cela signifie qu’en lançant un grand nombre de fois le dé, la valeur cinq apparaîtra en moyenne une fois sur six. Pour le bayésien, cela signifie qu’au moment où je lance le dé, ma certitude d’obtenir cinq est d’un sixième.