À Jérémy Moreau, καλὸς κἀγαθός.

Alexandre le Grand a pleuré au moins deux morts : celle de Bucéphale, sa monture qui était réputée ne craindre que son ombre, et celle d’Héphaistion, son camarade de toujours. Son plus fidèle animal et son meilleur amant. Le premier, emporté dans la sanglante bataille des éléphants, sur les rives de l’Hydaspe ; le second, anéanti par le périple du retour à travers l’aride Gédrosie. Pour célébrer Héphaistion, Alexandre multiplie les références à la mort de Patrocle : il lui dresse un fastueux bûcher funéraire, coupe quelques-uns de ses cheveux bouclés comme ceux d’Achille. À Bucéphale, il rendit plus d’honneurs qu’aux centaines de soldats tombés lors de la même bataille ; non loin du lieu de sa mort, il fit même édifier une de ses fameuses « Alexandrie ». Comme l’Achille du plus célèbre aède, dont l’amour est surtout signifié par l’immense chagrin qui entoure le deuil, c’est par l’ampleur de la tristesse que se manifestent les deux grandes passions d’Alexandre ; un amour inconditionnel pour la bête qui partagea ses joies et ses doutes depuis sa plus tendre enfance ; un amour érotique pour son plus vieil ami qui l’accompagnait déjà aux leçons d’Aristote.