La démocratie athénienne avait recours, jusqu’à l’époque hellénistique, à un mode de financement original : la liturgie. Elle consistait à confier à un riche citoyen – le liturge – une charge publique (organisation de festivités, construction d’édifices, entretien de navires de guerre, …) pour qu’il la finance et en assure la réalisation. Au lieu d’un impôt passif et déconnecté de la charge, que n’aurait de toute façon pas permis la désorganisation des premiers temps de la démocratie, la liturgie permettait de conserver une forme de liberté pour les citoyens tout en simplifiant l’organisation budgétaire de la cité.

Si l’on en croit Matthew Christ1, il faut penser la liturgie un peu sur le mode de nos délégations de service public contemporaines, la rémunération du délégataire en moins : c’est bien la cité qui définit la charge, dont elle confie l’exécution à un prestataire privé. Elle lançait pour chaque charge un appel au volontariat (une forme d’appel d’offre) à laquelle les liturges pouvaient postuler. Des magistrats s’assuraient ensuite de sélectionner le candidat le plus à même de financer et d’organiser la charge en question, comme on attribuerait aujourd’hui une concession ou un marché. Les charges non pourvues étaient attribuées d’office par les magistrats à certains liturges.

Les citoyens aisés s’accommodaient de ce financement original de l’action publique pour au moins deux raisons, l’une éthique et l’autre politique. Les Athéniens étaient d’abord baignés dans une atmosphère morale qui faisait la part belle au don. Aristote, penseur de l’âge classique, dépeint l’idéal de l’homme libéral (comprendre, généreux) dans son Éthique à Nicomaque comme un homme qui fait passer l’acte bon avant l’argent, et qui donc donnera « avec plaisir, ou du moins sans peine » (1120a25). On sait que le Stagirite définissait la vertu comme un juste milieu ; en l’occurrence, entre la parcimonie et la prodigalité. À choisir, cependant, il précise qu’il vaut mieux être trop prodigue que trop parcimonieux. Quitte à pécher, autant que ce soit par excès de libéralité. Dans l’Éthique à Eudème, il confirme l’importance de donner pour les citoyens : « c’est une sorte de devoir d’être libéral, quand on est né parmi les hommes libres » (1233b10).

Plus fondamentalement, les Grecs adoptaient une psychologie semble-t-il plus complète que la nôtre. C’est en tout cas le point de départ de Peter Sloterdijk qui considère, dans Colère et temps, que l’homme est mû à la fois par des affects érotiques (au sens large), destinés à combler un manque par une appropriation, et des affects thymotiques, tournés vers la dépense, le déploiement. Sloterdijk nous invite alors à considérer l’homme « comme une double créature en laquelle s’affronte le manque et l’excédent », et non seulement comme une créature uniquement en manque et animée seulement par des forces érotiques. L’homo œconomicus qui maximise son bien-être constitue le paradigme de cette errance moderne : même lorsqu’il est libéral, il faut que ce soit en quelque façon pour son bien à lui, que cela lui apporte quelque chose. Cet oubli de la tendance à l’excédent a rendu mystérieuse toute bonté humaine, qui ne peut plus apparaître que calculée. Les Grecs ne partageaient pas notre semi-aveuglement : au livre IV de La République, Platon décrit une tripartition de l’âme entre un élément rationnel, un élément irascible (le thumos) et un élément désirant. Dans le Phèdre encore, il décrit l’âme comme un char. Le cocher qui le guide représente la partie rationnelle de l’âme, le logos, tandis que l’attelage est composé de deux chevaux : l’un, blanc et docile, semble pouvoir être assimilé à la partie désirante, érotique ; le second, noir et impétueux, peut être assimilé au thumos.

L’ensemble de ces éléments qui saturaient la culture grecque participait à rendre la bonté sans retour, le don, et finalement tout acte thymotique, un peu moins étrange qu’une fois passé le tournant de la modernité. Au-delà de ce tréfonds culturel, cependant, la participation au bien de la cité conférait également aux liturges un certain prestige, voire une forme de renommée. Cette gloire était un moyen de vivre au-delà de la vie, dans le chant des exploits qui serait perpétué par les générations ultérieures, à l’instar d’Achille dont on louait les prouesses guerrières. C’était aussi, plus trivialement, un investissement politique pour l’avenir, sinon une manière de régler ses différends avec la justice : nous disposons encore de nombreux fragments de discours où des candidats à une magistrature, ou bien des citoyens mis en accusation, rappellent leurs libéralités pour susciter la clémence ou s’emparer d’un siège.

Errements liturgiques

Au fil du temps, la liturgie a perdu de sa superbe, sans doute parce que la raison politique a pris le pas sur la raison morale. Son extinction coïncide avec la montée en puissance, à l’âge hellénistique, de l’évergétisme, un mot barbare forgé pour désigner toute forme de don consenti par un acteur privé à destination du plus grand nombre. À la différence de la liturgie, charge publique confiée au privé, l’évergésie est une initiative entièrement privée qui bénéficie au public. Elle n’est donc plus attribuée par la cité – aux oubliettes, les appels aux volontaires, le choix des candidats par les magistrats et l’attribution d’office des liturgies sans liturge. L’idée qui prédomine à ce changement est que les riches contribueront tout aussi bien, et mieux pense-t-on, sans qu’on les y force ni qu’on préfigure leur champ d’action. L’évergétisme qui naît en Grèce connaîtra un âge d’or dans la Rome antique, où il était de bon ton, pour accéder et se maintenir aux magistratures, de couvrir de cadeaux le peuple – en lui payant du pain et des jeux, évidemment, mais aussi les infrastructures pour accueillir ces derniers, des thermes, des statues, etc. La contrepartie politique est désormais évidente, auréolant la Rome des premiers siècles d’une image de corruption ou de clientélisme qui ferait probablement pâlir tous nos contemporains. Si la liturgie s’apparentait à une délégation de service public, un tel évergétisme se tient davantage quelque part entre la philanthropie et l’achat de voix.

Les risques de la liturgie et, plus encore, de l’évergétisme, semblent évidents : confiner le pouvoir à la caste des plus riches, en risquant ainsi d’abîmer la République (romaine) ou la démocratie (athénienne) en une forme d’oligarchie. Le danger n’est pas tant que les plus riches décident directement des orientations de la cité via ce qu’ils acceptent ou non de financer, car c’est plutôt l’inverse qui se produit : pour bénéficier des retombées sociales, il convient bien plutôt de financer ce qui sied au peuple. La prise de pouvoir est plus indirecte, et consiste davantage dans le fait que seuls les plus aisés pourront contenter la plèbe et s’arroger les meilleures magistratures, accaparant les affaires importantes. C’est ce que semble bien traduire la phrase de Juvénal : offrir du pain et des jeux pour distraire le peuple tandis qu’une petite classe gère, presque en sous-main et, en tout cas, en vase clos, les vrais problèmes de la cité.

Le problème n’est donc pas telle liturgie ou telle évergésie, qui ne saurait pas s’opposer frontalement aux intérêts du plus grand nombre, mais le rôle politique, ou plus exactement électif, qu’on a fini par leur attribuer. Ce n’était pas l’objectif premier des liturgies, comme on l’a vu. Tout bien considéré, donc, et malgré une mobilisation relativement efficace de l’épargne privée romaine par ce mécanisme de libéralité non désintéressée, l’évergétisme fait figure pour nous, démocrates, de liturgie abîmée.

L’évergétisme et, dans une moindre mesure, la liturgie, suscitent un second problème d’apparence plus paradoxale : ils pourraient être trop démocratiques. On sait combien la démocratie libérale s’est construite sur l’idée d’égalité de tous les citoyens, qui consiste moins dans la domination de la majorité que dans le respect des minorités. Les constituants américains se sont ainsi préoccupés d’aménager des protections contre la « tyrannie de la majorité » dont parleront plus tard Tocqueville et John Stuart Mill. Dans le Federalist Paper No. 51, James Madison justifie le système des checks and balances par cette phrase : « Si une majorité se rassemble autour d’un intérêt commun, les droits de la minorité ne seront plus assurés. » En voulant contenter le plus grand nombre sans autre souci de justice, l’évergète pourrait bien n’être que la figure antique du populiste contemporain. Les constructions qu’il se propose ne font effectivement l’objet d’aucune délibération collective, elles répondent à ce que l’évergète pense être les envies immédiates de la cité, c’est-à-dire du plus grand nombre. Avant même de conduire à une tyrannie du magistrat, l’évergétisme risque donc bien de nous mener vers cette « tyrannie de l’opinion et du sentiment dominants » qu’évoque Mill dans De la liberté. Là encore, cependant, la liturgie originelle apparaît moins fautive, puisqu’elle consiste précisément en charges identifiées par la cité et confiées par elle au privé.

Ces deux régimes de risque tyrannique, l’oligarchie des plus riches et la dictature du plus grand nombre, n’apparaissent ni insurmontables, ni inhérents à l’idée originelle du don démocratique. Ils semblent toutefois constituer l’inclination naturelle de cette forme de participation des acteurs privés au financement du public, comme en témoigne le destin des liturgies, qui se sont progressivement changées en outil politique avant d’être supplantées, au tournant de l’âge hellénistique, par les évergésies dont le caractère électoraliste était encore plus assumé. En renouant avec l’esprit et le droit des liturgies, plus qu’avec leur lettre et leur fait, il semble cependant qu’on touche à une manière radicalement démocratique de repenser l’impôt.

Leçons contemporaines

Liturgies et évergétisme recelaient de nombreux avantages qui expliquent leur subsistance tout au long de l’antiquité gréco-latine : à des époques où, comme on peut l’imaginer, les procédures budgétaires et les modalités de perception de l’impôt n’étaient pas aussi efficaces qu’aujourd’hui, ces mécanismes de don permettaient de lier une charge à un financeur et un exécutant unique. Au-delà de cet aspect logistique indéniable, ils permettaient une mobilisation plus efficace de l’épargne, stimulée par une forte émulation – on voulait dépenser plus que son voisin, ou son adversaire politique. Il était ainsi courant qu’on sacrifie, en Grèce, à bien plus de liturgies que le minimum imposé. La mobilisation de l’épargne était également d’autant plus facile qu’elle n’humiliait pas la liberté des payeurs : le grand problème de l’impôt est en effet d’ôter au contribuable toute maîtrise de la dépense, toute liberté dans l’allocation de ses ressources. Impensable pour les citoyens grecs qui abhorraient toute forme de tutelle et chérissaient leur autonomie, a fortiori pour les plus aisés d’entre eux que n’avaient pas quittés des manières de noblesse et d’aristocratie. La vertu des liturgies et de l’évergétisme était alors de rendre la contribution active, de la relier à ses conséquences et de rendre palpable, pour le contribuable, l’utilisation de son versement.

Certaines des qualités du don des premiers temps sont à l’évidence obsolètes ou désuètes. Lever l’impôt et gérer un budget ne constituent plus des défis logistiques insurmontables. D’autres, cependant, pourraient s’avérer d’une étonnante actualité : beaucoup de choses ont changé depuis la naissance de la démocratie, mais notre attachement à l’autonomie individuelle, quoique mise entre parenthèses de l’avènement de la chrétienté à la Renaissance, est demeuré intact. Il nourrit aujourd’hui une crise fiscale sans précédent qu’on aurait tort de réduire à un simple « ras-le-bol » conjoncturel. On s’est persuadé qu’on payait trop d’impôts, sans qu’on sache précisément à quoi ils servent, et trop injustement. Les prélèvements obligatoires représentent, selon l’Insee, 45 % du PIB en 2018 ; c’était à peine plus de 30 % en 1960. Mais plus que la masse des impôts, c’est leur répartition qui fait problème : alors que la classe moyenne est celle qui bénéficie le moins de la dépense publique et des allocations sociales, elle est largement mise à contribution. En 2015, le système redistributif a un résultat négatif sur le revenu disponible des ménages dès le quatrième décile de niveau de vie, soit pour la quasi-totalité des classes moyennes (les déciles 4 à 8) qui, pourtant, ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années.

Ce déséquilibre ne serait pas catastrophique s’il n’était pas perçu comme une forme de pillage. Moins que la contribution, c’est l’absence de reconnaissance qui est en cause : la ponction fiscale est décrite comme naturelle, allant de soi, oubliant totalement la main qui donne au profit de la main du fisc, qui prend. Pour le contribuable, il n’y a bien souvent aucune fierté, voire aucune compréhension de l’usage fait de son argent. L’État s’estime seul à même de prendre soin du public. Il ne serait pas excessif de décrire l’imposition comme une forme de survivance d’autoritarisme à l’heure démocratique. C’est en tout cas l’avis que défend Peter Sloterdijk dans un petit ouvrage paru il y a quelques années, Repenser l’impôt : Pour une éthique du don démocratique.

Notre système fiscal, estime le philosophe allemand, ignore encore ces forces thymotiques identifiées dans Colère et temps. Il s’est construit comme si seules les forces érotiques présidaient à la conduite humaine ; comme si les femmes et les hommes, en fin de compte, ne voulaient toujours que posséder et s’approprier, et jamais donner et se répandre. Sloterdijk dénonce le caractère autoréalisateur d’une telle anthropologie pessimiste : « quand on pense l’homme petit, on se retrouve tôt ou tard face à une réalité qui correspond à celle que l’on supputait », écrit-il dans l’introduction de l’ouvrage. En oubliant la main qui donne et en contraignant les citoyens à passer sous les fourches caudines du fisc, l’impôt humilie des forces thymotiques qui pourraient participer à édifier une société plus généreuse. D’où une détérioration du climat social :

Le motif de ce grand cafard est pourtant tangible : il tient à la dégradation systématique de la dignité des donneurs par les puissances organisées des preneurs. Il tient à l’humiliation chronique qu’on fait subir aux citoyens des classes moyennes, ceux dont les dons ravalés au rang de prélèvements permettent pratiquement tout ce qui assure la cohésion du monde social, mais que l’on force à faire ce dont on suppute qu’ils ne le feraient jamais, autrement, de leur propre chef.

Peter Sloterdijk, Repenser l’impôt

Quelle solution à ces difficultés ? Pour notre auteur, remplacer l’impôt par le don, idée sulfureuse qu’il a longuement défendu, en 2010, dans le débat public allemand. On imagine sans peine la levée de bouclier suscitée par une telle idée, focalisée sur la crainte d’une chute des produits une fois les citoyens libérés de la contrainte de payer. Qu’on y songe, cependant : cette crainte résulte elle-même de l’anthropologie négative qui charpente la fiscalité actuelle. Pourquoi les citoyens laissés libres ne seraient-ils pas, à l’instar des premiers liturges, bien plus généreux que s’ils étaient contraints à la dépense – a fortiori si par leur don ils peuvent choisir la destination de leurs ressources et rendre leur financement palpable ? La philosophie n’a jamais vraiment soldé le débat sur la nature humaine, certains s’évertuant à montrer que l’homme est naturellement bon et poussé à la pitié, d’autres tenant au contraire pour certain qu’il est un loup pour l’homme. L’expérience nous permet cependant de trancher provisoirement ce débat : les causes humanitaires, comme le secours aux sinistrés du tsunami qui a frappé l’Asie du sud-est en 2004, ou encore la réussite de Wikipédia, démontrent que la somme des actes généreux est plus importante que celle des actes pervers. Les spécialistes de l’événementiel ou les développeurs de logiciels libres le savent bien : souvent, laisser un prix libre suscite plus de produits qu’un prix imposé. La crainte suscitée par la substitution du don à l’impôt est donc bien plus le symptôme d’une anthropologie malade qu’un risque étayé par les faits.

Quelle forme pourrait alors prendre un « don démocratique » ? Nous pensons trouver la réponse dans un genre de liturgie grecque modernisée, où tous les citoyens et non seulement les plus aisés contribueraient aux charges publiques. À la différence des liturgies, ces contributions seraient non-exclusives et n’engageraient pas les contributeurs à la maîtrise d’œuvre. Il résulte de ces trois conditions, la définition de la charge par l’État, la non-exclusivité et la réalisation par le public, que les risques tyranniques évoqués contre l’évergétisme et la liturgie seraient conjurés. Rien n’empêcherait toutefois de se prévaloir d’un don, dans la veine de la philanthropie anglo-saxonne, pour peu évidemment qu’on institue des garde-fous destinés à prévenir la corruption des élus.

Depuis de nombreuses années (depuis toujours ?), on cherche à revivifier la démocratie en impliquant davantage les citoyens. Dans le sillage de la démocratie délibérative, ou participative, le dialogue a infusé avec plus ou moins de réussite à différents niveaux de la société. L’élaboration des projets associe davantage les publics concernés. Plus récemment, on a vu poindre des budgets participatifs qui laissent aux citoyens le champ libre dans la définition des projets, sous certaines contraintes et dans les limites d’une enveloppe prédéfinie. Pourtant, le financement de l’action publique demeure désespérément archaïque. Le pari démocratique sur les capacités de l’homme à s’émanciper et à prendre son destin en main s’arrête aux portes de Bercy. Or, comme les nouvelles instances de la démocratie délibérative elles-mêmes le font sentir avec force, le problème tient moins aujourd’hui dans la délibération que dans le financement : l’un des enseignements majeurs du « grand débat » récent n’est-il pas qu’il faut remettre à plat toute la fiscalité ? Cela est cohérent : parachever la démocratie, c’est non seulement décider en commun, mais aussi financer ensemble.

La démocratie n’est pas qu’un système de gouvernement qui réunit de temps à autres les citoyens pour qu’ils glissent un bulletin dans une urne, sans toujours bien comprendre, du reste, quel en sera l’intérêt. C’est davantage un mode de vie, pour reprendre les mots de John Dewey, qui place en son cœur la foi « en la capacité des êtres humains de juger et d’agir intelligemment dans des conditions qui le permettent ». Cette foi dans la nature humaine doit aujourd’hui nous conduire à abolir l’impôt pour le remplacer par une liturgie nouvelle et authentiquement démocratique. Les budgets participatifs concernent, lors de leurs mises en place, de petites portions du budget des collectivités. Sur le même mode, on pourrait imaginer laisser une part de la contribution à discrétion du citoyen, qui pourrait en choisir la destination.

La spectaculaire levée de fonds qui a suivi l’incendie de Notre-Dame témoigne d’une capacité thymotique latente au sein de la population. On ne peut que s’en réjouir, mais il faut également entendre la forme d’injustice manifestée par celles et ceux qui s’émeuvent d’une force contributive à géométrie variable. Où sont ces millions d’euros lorsqu’il s’agit de financer l’hôpital public, de payer nos enseignants, de sortir les plus précaires de la misère ou de financer nos associations ? Beaucoup en tirent un motif d’indignation. Au fond, cependant, n’est-ce pas plutôt la démonstration qu’un financement thymotique sera toujours meilleur qu’un financement érotique ? À bien des égards, la souscription pour Notre-Dame illustre le genre de liturgie moderne que nous appelons de nos vœux. Repenser un financement du public à la hauteur des exigences morales de la démocratie reste largement à faire – mais on trouve chez les concepteurs-mêmes de la démocratie de quoi nourrir notre réflexion. Sans doute le progressisme consistera-t-il, demain ou après-demain, à abolir l’impôt pour lui substituer une logique du don.

  1. Matthew R. Christ, « Liturgy Avoidance and Antidosis in Classical Athens », Transactions of the American Philological Association, Vol. 120 (1990), pp. 147-169. []